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Un nouveau moyen de partager l'opéra ?

Pourquoi associer l’Opéra au Chansigne?

Chansigne et chant lyrique

J’ai eu l’occasion de voir un spectacle d’Emmanuelle Laborit en 2017, « Devaste-moi ». C'était un concert de chansons en Chansigne.

Au-delà de la très haute qualité artistique de la proposition et des interprètes sur scène, j’ai été transportée par ce moyen d’expression particulier, et interpelée par sa proximité surprenante avec l’art lyrique.

En effet, les chanteurs lyriques intègrent de façon naturelle des éléments visuels, notamment par l’investissement physique exceptionnel qu’ils doivent fournir pour chanter.

Lors des concerts, les corps des chanteurs sont mis particulièrement en action, car la nécessaire projection de la voix, et le fait qu’ils portent à la fois un texte musical et dramatique les engage de façon très spécifique.

Langue des signes, chansigne et opéra : aller vers un langage inhabituel

L’opéra est un art qui est considéré à juste titre comme élitiste. Il est non seulement difficile à mettre en œuvre, coûteux, mais aussi porté par une formulation qui semble étrange et inatteignable pour certains. Le lyrique est donc un monde souvent inconnu et inaccessible pour beaucoup de personnes, qui ne se sentent pas légitimes, ou aptes à y entrer.

J’ai la sensation que devant l’opéra, nous nous retrouvons toujours un peu à nu, et en quelque sorte, égaux dans notre sentiment de méconnaissance, mais aussi notre désir de découvrir, ou redécouvrir, et dans notre inquiétude de ne pas pouvoir le recevoir. L’approche des publics éloignés de cet art est une façon de partager cette sensation qui se renouvelle toujours pour moi.

En associant Langue des Signes et Opéra, je trouve une clé qui permet de faire pour toutes les personnes de la salle, entendantes ou sourdes, un pas dans la même direction : découvrir quelque chose qui nous semble étranger, recevoir une œuvre de façon inédite, vivre une émotion portée par un langage neuf.

Le Chansigne a une qualité que j’ai pu voir lors des différents spectacles que j’ai découvert depuis deux ans : il parle autant aux entendants qu’aux sourds.

C’est un langage chorégraphié et imagé qui fait le lien entre ces deux mondes de parole, qui ont tant de difficultés à se rencontrer.

En préparant le concert, cela s'est incarné dans le merveilleux travail en LSF et chansigne avec Géraldine Berger et Isabelle Voizeux.

Le choix de l'oeuvre a-t-il été signifiant ?

Wagner, musique de l’âme

Il me semble en effet, que je n’aurais pas pu poser et tenter de résoudre cette question de la même façon avec une autre esthétique lyrique, comme par exemple, Rossini, ou Offenbach…

Wagner écrit une musique de l’âme. Il permet un temps de regard et de réception des images plus long, dans un discours musical en forme de paysage.

Le fait de passer l’œuvre par le filtre de l’arrangement, et de l’adaptation du livret, donne une liberté de rythme et d’axe de lecture. Cela me permet de donner une juste place à la Langue des Signes et au Chansigne, grâce au travail de Géraldine Berger et Isabelle Voizeux.

La présence des deux comédiennes qui signent sur le plateau pour le concert apportera bien évidemment quelque chose de très puissant, qui pourrait occulter le reste, et tout l’objet sera donc de trouver l’équilibre nécessaire pour faire cohabiter tout cela.

C’est une première pour les comédiennes LSF/Chansigne, mais aussi pour les musiciens, et les chanteurs !

Aller vers l’inconnu

Je trouve une analogie entre le désir d’inconnu du personnage principal, Senta, et cette rencontre entre l’opéra et le monde des sourds. Senta cherche à s’affranchir du système étriqué dans lequel elle a toujours vécu, et elle est prête pour cela à faire fi de ses repères habituels.

J’ai toujours eu la sensation que la voix lyrique nous traverse de façons variées et souvent difficiles à identifier. En effet, je suis convaincue que ce n’est pas seulement par le son pur, ou par la compréhension du texte musical, dramatique et scénique que l’oeuvre nous touche. Ce qui nous bouleverse à l’opéra est porté par des vibrations souterraines et mystérieuses. La voix touche chaque pore de notre peau, et elle se love en nous par des chemins qui lui sont propres. Aller vers le monde des sourds me permet d’explorer aussi cela.

Est-ce une approche nouvelle dans le travail d’Opéra.3 ?

Musique visuelle

Le fait de transcrire le langage musical de façon visuelle est une question qui m’a toujours intéressée de façon générale, et en particulier dans la musique de chambre, avec laquelle je fais une recherche depuis plus de 15 ans.

Par exemple, je forme des futurs musiciens professionnels à la médiation en musique, qui peut être parlée, mais pas seulement. La présence du corps du musicien, sa façon de se mouvoir et de se présenter, le dialogue visuel qui s’établit avec le public, tout cela fait sens sur un plateau.

Lors du visionnage de ce magnifique spectacle d’Emmanuelle Laborit, j’ai donc été mise face à la cohérence de cette recherche, dans une proposition artistique pure et urgente. Il ne s’agissait pas là de seulement communiquer différemment avec le public, mais de simplement aller vers lui, lui apporter une vision, une interprétation visuelle.

Concert pour tous

Ce qui est en jeu dans ce projet est la possibilité d’un endroit artistique commun entre entendants et sourds, sans hiérarchie et sans à-priori de la part des uns ou des autres.

J’ai toujours été frappée de voir à quel point il est difficile de s’affranchir de quelque chose de normatif dès lors que l’on est dans l’espace collectif. En effet, on ira voir un spectacle pour les entendants, pour les enfants, pour les sourds, etc… Il faut souligner quand même que certaines compagnies, notamment pour le Jeune Public, vont déjà dans le sens de spectacles qui s’adressent aux sourds et entendants à la fois, par le truchement de l'offre pour les enfants (voir un exemple ici).

En fait, je crois que j’aurais aimé par le passé être plus en présence de personnes différentes, et le spectacle vivant me semble aujourd’hui un lieu idéal pour susciter une telle rencontre.

L’expérience de la LSF avec l’opéra est rare, et la question de la pertinence d’une telle proposition est souvent posée par des personnes entendantes, car cela vient chambouler le rapport commun que l'on a avec l’opéra.

Le public aura la possibilité d’échanger avec le plateau à l’issue des concerts, en français et en LSF. Nous serons nombreux pour accompagner l'avènement d'un nouveau moyen d'expression : Le Lyri-signe.

Jeanne Debost

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Théâtre de Meudon

TEASER

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